Dans un livre au titre provocateur « sommes-nous encore en démocratie », Natacha Polony, directrice de rédaction chez Marianne, fait un ensemble de constats qui visent à mettre en évidence que le pouvoir du peuple, souverain dans toute démocratie, ne peut plus être exercé.
Elle attribue cela au processus électoral complexe qui impose des représentants appartenant aux classes dominantes se trouvant en haut de l’échelle sociale qui n’incarnent pas les espoirs du peuple. Natacha Polony rajoute, il faut désormais six générations pour passer du bas de l’échelle sociale au statut le plus élevé. Est-ce lié à la destruction systématique de l’école républicaine et de sa méritocratie, comme elle le dit ? Il y a vraisemblablement du vrai dans ses propos, mais regardons autour de nous ou tout simplement prenons nous en exemple. Est-ce que le milieu social dans lequel nous avons été élevé n’a pas eu d’influence, serions nous ce que nous sommes si nous avions eu la chance ou le malheur de naitre dans une autre famille ?
N’est-ce pas utopique de croire, parce que le triptyque républicain « liberté égalité fraternité » apparaît la première fois dans la constitution de 1946, que cela suffit pour penser que l’égalité sociale est possible. Elle peut être un idéal démocratique, mais c’est une conception purement théorique, car la multiplicité des personnes qui forment la société rend son application difficile, même si cela doit être un objectif. Avons nous eu toutes les chances pour réussir à gravir l’échelle sociale ?
Faut-il voir encore ce que l’on entend par gravir l’échelle sociale. Est-ce posséder une fortune comme peuvent l’obtenir facilement certains sportifs professionnels et les gens du show-biz, grâce à une surenchère faite sur leurs revenus, qui n’est pas liée à leur méritocratie, mais à la valeur de l’image qu’ils représentent ? Est-ce la possibilité de réussir sa vie par ses capacités intellectuelles ? La première classe d’individus n’est pas pour moi un exemple d’ascension de l’échelle sociale, car il y a autant de chance d’être un sportif, un chanteur, un acteur très bien payé que de gagner à la loterie. Beaucoup jouent, mais peu gagnent. C’est d’ailleurs le fléau de notre époque ou beaucoup de jeunes, notamment ceux dans les milieux défavorisés, n’ont plus que l’espoir de trouver un jour le bon numéro. C’est à celui qui obtiendra le plus grand nombre de Like pour faire fortune, diffusant sur le net des absurdités qui dépassent tout entendement.
Je ne m’intéresse ici que sur la façon dont se passe l’ascension de l’échelle sociale, pour laquelle il faut plusieurs générations pour passer du plus bas échelon au plus haut, comme le dit Natacha Polony. Si l’on pose comme hypothèse que cela se passe par l’acquisition de capacités intellectuelles, sommes-nous tous égaux ? Un enfant né dans une famille très modeste, ou un autre né dans une famille d’enseignants, ou un autre encore ayant des parent faisant déjà partie de l’élite intellectuelle de notre pays ou celle comme Mazarine Pingeot qui avait un père au plus haut de l’échelle sociale, ont-ils eu les mêmes dispositions pour avancer dans la vie ? Je ne parle même pas de l’aspect financier des choses qui est un facilitateur sans plus, même si certains peuvent penser que c’est le plus important. Je veux parler de la culture qui est nécessaire pour vivre en collectivité et qui permet à l'homme de s'élever au-dessus de lui-même. Celle que l’on obtient par les livres, la philosophie, la musique, l’art. Le but de l’enseignement est bien de favoriser l’éveil à ces richesses, mais sans pratique, on le voit bien, on reste au stade des intentions. Plus les enfants sont baignés par tout ce qui touche à la culture grâce aux parents qu’ils copient par simple mimétisme, plus cela favorise l’épanouissement personnel, nécessaire pour s’élever dans l’échelle sociale. Car plus le champ des univers qu’ils soient techniques, artistiques, scientifiques, historiques leur est ouvert, plus l’intelligence est stimulée et plus il est facile de gravir l’échelle sociale. Personnellement je suis né dans un milieu ouvrier qui globalement vivait sans trop de problèmes, mais je n’ai jamais vu mes parents lire un livre, hormis des magazines, je ne les ai jamais vu écouter de la « grande musique » comme on disait chez moi, ils allaient rarement au spectacle quelques fois au cinéma, ils ne voyageaient pas parce que c’était au-dessus de leurs moyens. J’ai quand même fait des études et très jeune, du sport, repéré par un prof de gym. J’ai fait du Hand-ball à haut niveau jusqu’à 30 ans sans me soucier des bienfaits que peuvent apporter la culture. J’ai quand même eu un DEA d’informatique. Ce qui m’a permis de trouver du travail facilement parce que l’époque était favorable, mais j’ai toujours eu le sentiment que mes limites été atteintes et qu’il me manquait cette culture qui permet de passer plus facilement les obstacles. Je ne l’ai compris que bien plus tard, trop tardivement. Cela ne m’a pas empêché de faire un chemin certes honorable, mais sans plus.
Voilà pourquoi il est si difficile de gravir l’échelle sociale pour ceux qui sont nés dans un milieu très défavorisé. L’enseignement, quelles que soit les réformes qui sont faites ne pourra jamais remplacer le milieu familial, car son but est d’instruire un élève, de lui inculquer des connaissances précises, de lui donner une certaine somme de savoir, mais pas de le transformer en adulte pour faire face aux problèmes de la vie. Faut-il encore qu’il y ait des jeunes qui veulent apprendre.
L’enseignement détruit la culture car il apporte des savoirs sans intéresser ou expliquer à quoi cela sert. Personnellement je n’aimais pas les explications de texte, car je ne voyais pas l’intérêt de trouver la pensée d’un auteur au travers de quelques lignes. On ne m’avait jamais dit que c’était un exercice pour m’aider à penser. Penser pourtant est le début du savoir.
La question est : l’enseignement sera-t-il capable un jour de remplacer le milieu familial ? Malheureusement je ne le pense pas. On aurait pu croire que le Net, qui un énorme réservoir de connaissances, puisse remplir ce vide lié au milieu social dans lequel on est né. C’est faire fi de l’ingéniosité des hommes qui ont toujours tendance à détourner les plus belles réalisations. Le net sert plus à poster des vidéos d’une stupidité qui dépasse parfois toute imagination, qu’à être une énorme encyclopédie à la disposition de tous. Ce n’est pas non plus ce que l’on peut voir ou entendre dans les médias qui peuvent arranger la chose ! Difficile de penser dans ces conditions que l’ascenseur social va facilement se débloquer. C’est la faute de nous tous et plus particulièrement de ceux que l’on pourrait ranger dans la classe des élites, qui mettent en avant leur propre intérêt financier. Je ne m’attaque pas en disant cela au système capitaliste dans lequel nous vivons, c’est un autre et long débat qui méritera qu’un jour je m’y attarde. Je pense à tous ces gens qui, pour gagner de l’argent, donnent une image loin des valeurs qui font la vraie vie.
Ils détournent ceux qui sont fragilisés par le milieu social dans lequel ils vivent de ce qui devrait être leur objectif, s’ils veulent prendre à leur tour cet ascenseur social et renouveler ainsi les élites nécessaires au fonctionnement de notre démocratie comme l’affirme Natacha Polony.

Comments